Téhéran sous les bombes : quand l’État disparaît, le peuple survit

Téhéran sous les bombes : quand l’État disparaît, le peuple survit
Depuis l’aube du vendredi 13 juin, les cieux iraniens résonnent du fracas des bombes israéliennes. Dans un silence glaçant de l’appareil d’État, les Iraniens tentent tant bien que mal de survivre.
À Téhéran, l’annonce d’un métro ouvert 24h sur 24 pour servir de refuge s’est évaporée aussi vite qu’elle est apparue. Le lendemain, grilles closes. « Même en temps normal, le métro est en retard et bondé. Ils ne peuvent pas gérer une foule fuyant les bombes », soupire Vahid*. « Certaines stations sont à plus de 8 km des quartiers. Qui peut courir jusque-là ? »
Face au vide laissé par les autorités, les réseaux sociaux deviennent des bouées de sauvetage. Des adresses d’abris – souvent anciens, parfois incertains – circulent. Certains proposent un coin de leur maison à ceux qui ont tout perdu. Car en Iran, il n’y a pas d’abris anti-missiles à chaque coin de rue, encore moins dans les immeubles. « Il n’existe pas d’abris », tranche Vahid.
Pas de sirènes, pas de consignes. Les frappes pleuvent. Les Iraniens vivent avec la peur au ventre, les yeux vers un ciel devenu étranger. « On dirait que les avions israéliens sont chez eux ici », lâche Reza, resté à Téhéran pour s’occuper de sa mère âgée.
639 morts, 1 329 blessés, selon des sources indépendantes. Le bilan officiel est bien plus bas. Et pendant ce temps, la capitale se vide. Ceux qui fuient se heurtent à des embouteillages monstres. Les stations-service débordent. L’essence manque. L’électricité aussi. Et bientôt l’eau.
Le pays, déjà fragilisé, subit maintenant des frappes ciblées sur ses ressources énergétiques. Les prix s’envolent. La monnaie chute. Les gens cherchent désespérément des dollars ou de l’or. Mais tout est fermé. Même le bazar de Téhéran.
« Ce soir, j’ai voulu acheter du lait pour ma mère. Il n’y avait personne dans l’épicerie. Personne dans les immeubles voisins. Même le carrefour Aladdin, où défilent habituellement un million de personnes par jour, est fermé », raconte Reza. Tout est figé. Même les cartes bancaires ne marchent plus, suite à une cyberattaque israélienne sur la Sepah Bank.
Et puis, le noir total. Depuis mercredi, Internet est coupé. Plus de nouvelles, plus d’images. « Ils veulent empêcher la vérité de sortir », dénonce Afsaneh Salari depuis Berlin.
Mais derrière le silence, la répression continue. Journalistes, artistes, militants sont à nouveau arrêtés. Ali Pakzad, Sajad Mashhadi Hemmatabi, Motahareh Goonehi… même le rappeur Toomaj Salehi, condamné à mort puis libéré, a été de nouveau interpellé.
Ce jeudi, la police annonce l’arrestation de 24 personnes accusées d’espionnage pour Israël. Le régime se mure dans son discours : protéger l’image du système sacré, quitte à abandonner son peuple.
Dans ce chaos, des Iraniens résistent à leur façon. En hébergeant, en informant, en partageant. En tenant bon, quand l’État s’efface.
« Je ne pense pas que le gouvernement nous ait abandonnés. Je crois qu’il est juste incapable de nous protéger », résume Vahid. Un constat amer, dans une guerre où l’inégalité est totale.