Russie, AES et Ukraine : l’ennemi de notre ami est notre ennemi

Russie, AES et Ukraine : l’ennemi de notre ami est notre ennemi
Devant ses homologues malien, nigérien et burkinabè, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a tenu à réitérer ses accusations d’activités subversives de l’Ukraine au Sahel : Kiev soutiendrait les rebelles dans le nord du Mali.
Dans une partie de billard à plusieurs bandes, Moscou continue de rallier à sa cause, puis de prêcher les convaincus susceptibles de ne pas condamner une « opération spéciale » en Ukraine qui n’a plus rien d’une blitzkrieg. Pour entretenir ce ressentiment anti-Kiev en Afrique francophone, rien de tel que d’associer l’Ukraine aux anciens colons déjà accusés des dix plaies d’Égypte. Faisant d’une pierre trois coups, le ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie a bien exploité sa rencontre avec les trois chefs des diplomaties de la confédération de l’Alliance des États du Sahel (AES).
À Moscou, en compagnie du Malien Abdoulaye Diop, du Nigérien Bakary Yaou Sangaré et du Burkinabè Karamoko Jean-Marie Traoré, Sergueï Lavrov a évoqué, début avril, « certains acteurs extérieurs à la région » sahélienne qui continueraient de tenter de la déstabiliser. Et de pointer du doigt nommément lesdits acteurs : « Outre les anciens colonisateurs, il s’agit notamment du nouveau régime de Kiev, qui soutient ouvertement des groupes terroristes dans cette partie de l’Afrique, tandis que ses sponsors occidentaux ferment les yeux. »
La guerre des récits
En attendant de nouveaux éléments concrets pour étayer cette mise à jour des accusations russes, chaque Sahélien a déjà en tête d’anciennes évocations de présumées activités ukrainiennes subversives au Sahel. La presse internationale, dont le quotidien français Le Monde, avait ainsi évoqué le soutien « discret mais décisif » aux rebelles touaregs « par des drones ukrainiens ». Si Kiev avait rejeté « fermement les accusations », l’ambassadeur d’Ukraine au Sénégal, Yurii Pyvovarov, avait tenu des propos plus qu’ambigus…
Après la tragédie de Tinzawaten dans le nord du Mali, qui coûta la vie à des mercenaires russes l’été dernier, les responsables maliens avaient également dénoncé la fourniture d’informations « à la coalition terroriste », par le service de renseignements militaires de Kiev. Des liens qui auraient été admis par les rebelles…
Les autorités ukrainiennes ne se revendiquent-elles pas en guerre contre la Russie « sur tous les théâtres d’opération » ? Depuis 2022, Kiev tente tant bien que mal de déployer son soft power en Afrique. Les pays de l’AES, eux, privilégient la Russie, dans leur quête d’une alternative diplomatique. Ce qui méritait bien une nouvelle couche communicationnelle de Lavrov. La guerre des récits bat son plein.