Ce 28 avril, après de nombreuses tergiversations, les sénateurs français se prononcent sur une proposition de loi devant permettre le retour en Côte d’Ivoire d’un objet sacré saisi en 1916. Abidjan met la pression diplomatique, mais il restera l’étape du vote à l’Assemblée nationale.

Il y a parfois loin entre une promesse présidentielle et la réalité d’une restitution d’objet sacré dérobé lors de la période coloniale. En 2021, lors d’un sommet Afrique-France qui inaugurait, à Montpellier, un format d’un genre nouveau, le président français annonçait publiquement la restitution, à la Côte d’Ivoire, du « tambour parleur ». Le djidji ayokwé – son nom originel qui signifie, en langue atchan, « bois sculpté en forme de panthère » – figurait alors en tête d’une liste de 149 biens revendiqués par Abidjan.

Puis vinrent des soubresauts politiques, mais pas du côté sud de la Méditerranée, cette fois. Après sa réélection de 2022, Emmanuel Macron verra sa majorité parlementaire fondre, avant de disparaître en 2024. Entre-temps, il aura remplacé Rima Abdul Malak par Rachida Dati à la tête du ministère de la Culture. Cette dernière, par ailleurs toujours en poste, est une figure marquante d’une mouvance politique droitière peu portée sur la repentance, à l’égard de la période coloniale, et inquiète à l’idée d’ouvrir un peu trop grand la boîte de Pandore des restitutions d’objets confisqués.

Un transfert vers la Côte d’Ivoire d’ici à un an ?

Saisi par les autorités coloniales, en 1916, le tambour cylindrique de 3,5 mètres de long se trouve actuellement dans les collections publiques du musée du quai-Branly-Jacques Chirac. Après l’annonce de Montpellier, une restauration du tambour avait été lancée, une « cérémonie de désacralisation » avait été organisée et l’objet avait été placé dans une caisse cadenassée. Du point de vue des procédures, un projet de loi-cadre est susurré dès 2023, puis reporté sine die.

Volonté de faire un geste envers une Côte d’Ivoire francophile, dans une Afrique de l’Ouest politiquement mouvante ? Ce lundi 28 avril, l’exil du tambour parleur fait l’objet d’une proposition de loi spécifique à l’ordre du jour du Sénat français. Après des avis unanimement favorables, en travaux de commission début avril, le texte qui prévoit un « transfert à la République de Côte d’Ivoire sous un délai maximal d’un an » devra encore être soumis à l’approbation de l’Assemblée nationale.

Le tambour a la réputation de résonner sur plusieurs dizaines de kilomètres. Il permettait ainsi de rameuter traditionnellement les populations, dès la survenance d’un danger. D’un point de vue plus mystique, le djidji ayokwé serait doté d’un esprit capable de protéger le peuple des Ébriés, autour de la lagune d’Abidjan.

Depuis la stratégie énoncée, dès le début du premier mandat d’Emmanuel Macron, de restituer progressivement à l’Afrique plusieurs œuvres à fortes portées artistiques et symboliques, des lois spécifiques – parfois au cas par cas – doivent être élaborées pour que les objets quittent les collections publiques françaises. En passant, parfois, par des « conventions de dépôt » qui permettent un prêt des objets, avant un transfert de propriété. Toutes choses qui ralentissent le processus.