Quand Rabat se couvre de fresques : le street art en plein essor avec le festival Jidar

Quand Rabat se couvre de fresques : le street art en plein essor avec le festival Jidar
Du béton au chef-d’œuvre, les murs de Rabat prennent des couleurs. Le festival Jidar transforme la ville en galerie urbaine vivante, entre engagement artistique et proximité citoyenne.
L’art urbain comme moteur de transformation
Durant tout le mois de mai, Rabat a changé de visage. Le festival Jidar – Toiles de rue, rendez-vous incontournable de l’art urbain au Maroc, a de nouveau pris possession des murs de la capitale. Onze façades monumentales ont été investies par plus de 30 artistes venus de huit pays, offrant à la ville un souffle créatif inédit.
À coups de bombes de peinture et du haut de nacelles, ces artistes ont redonné vie à des murs ordinaires, transformant l’espace public en lieu d’expression libre et accessible. Depuis sa création en 2015, Jidar propose une culture sans billets ni barrières, au cœur des rues.
Pour le directeur du festival, Salaheddine Malouli, l’impact va au-delà de l’événement : « Le festival commence vraiment quand les gens s’approprient les œuvres, quand l’interaction démarre. »
Un art de rue qui raconte la ville
Certaines fresques vont bien plus loin que la beauté visuelle. L’artiste marocain Masawi (Oussama Moussaoui), par exemple, a choisi de faire de son œuvre un jeu de reconstruction : des lettres éparses qui, une fois reliées, révèlent le nom de Rabat. Une manière poétique de relier l’espace urbain à l’identité de ses habitants.
Le mur devient ainsi support de mémoire, espace de dialogue, et miroir collectif.
Une scène marocaine qui s’affirme
Jidar attire chaque année des artistes de renom, mais le festival se distingue aussi par la montée en puissance de la scène locale. De jeunes talents marocains comme Rebel Spirit ou Amina Benbouchta bousculent les codes et explorent des formes nouvelles, entre calligraphie revisitée et symboles amazighs réinterprétés.
La diversité des styles – abstraction, surréalisme, graffiti, art géométrique – fait de Rabat un véritable carrefour du street art africain. Cette édition 2024 a également marqué une avancée significative avec la présence renforcée des femmes artistes.
Pour Iota, muraliste belge, « peindre dans l’espace public en tant que femme reste un défi, mais c’est aussi un acte fort ». Sur les murs, les femmes prennent la parole, et leur art devient un manifeste.
Une ville qui se regarde autrement
Jidar, ce n’est pas seulement des fresques : c’est aussi des ateliers, des visites, des rencontres. Les habitants ne sont pas de simples spectateurs : ils deviennent acteurs, guidés dans une expérience artistique qui transforme leur regard sur la ville.
Les quartiers qui accueillaient les œuvres voient leur image se redessiner. Le street art devient un levier de revalorisation, sans tomber dans la gentrification. C’est une reconstruction douce, portée par la créativité.
Rabat, capitale d’un art vivant et engagé
À travers Jidar, Rabat s’impose comme un acteur culturel audacieux, loin des musées fermés ou des événements réservés à une élite. Ici, l’art est à hauteur d’œil, à portée de tous. Il crée du lien, interroge l’espace, et reflète une société en mouvement.
Le festival ne se contente pas d’embellir la ville. Il change les regards. Et redéfinit, en couleurs, ce que peut être une culture citoyenne, ouverte, contemporaine.