Peut-on gouverner et adorer à la fois ?

Peut-on gouverner et adorer à la fois ?
La question de la compatibilité entre le pouvoir politique et la foi religieuse est aussi ancienne que l’histoire des civilisations. Peut-on exercer un pouvoir temporel tout en restant un fervent croyant ? La gouvernance et l’adoration sont-elles des réalités opposées ou complémentaires ?
Dans de nombreuses sociétés, la religion et le pouvoir ont longtemps été étroitement liés. Dans l’Égypte ancienne, les pharaons étaient considérés comme des divinités vivantes. En Europe médiévale, les rois régnaient sous le principe du droit divin, et en Afrique traditionnelle, les chefs de tribus ou rois étaient souvent investis d’une mission spirituelle. L’histoire montre que la foi peut être un moteur puissant pour gouverner avec sagesse et justice. Cependant, elle peut aussi être instrumentalisée pour asseoir une autorité et imposer une vision dogmatique.
Gouverner est une mission exigeante qui nécessite des décisions pragmatiques, parfois impopulaires ou contraires aux principes moraux d’une religion. Un chef d’État ou un dirigeant doit-il suivre à la lettre les principes religieux, même si cela entre en conflit avec l’intérêt général ? L’histoire a prouvé que certains leaders ont utilisé la religion pour manipuler les masses, justifier des guerres ou asseoir un pouvoir absolu. Dans des sociétés plurireligieuses, un dirigeant qui met trop en avant sa foi risque d’exclure ou de discriminer d’autres croyances.
Certains leaders ont pourtant réussi à concilier foi et gouvernance de manière positive. Nelson Mandela, bien que non religieux dans son approche politique, s’est inspiré de valeurs chrétiennes et africaines de pardon et de réconciliation pour unifier l’Afrique du Sud. Mahatma Gandhi, profondément spirituel, a mené une lutte pacifique pour l’indépendance de l’Inde en s’appuyant sur ses croyances hindoues. Thomas Sankara, tout en étant un chef d’État pragmatique, a mis en avant des valeurs d’intégrité et de justice inspirées par une éthique proche des principes religieux. Ces figures montrent qu’il est possible d’avoir un leadership éclairé par la foi sans pour autant imposer une gouvernance religieuse.
Oui, on peut gouverner et adorer à la fois, à condition de respecter certaines limites. Séparer la foi personnelle de l’exercice du pouvoir est essentiel pour garantir une gouvernance inclusive et équitable. Un bon leader doit s’assurer que ses décisions servent l’ensemble du peuple, indépendamment de ses convictions religieuses. Faire de l’éthique un guide et non une contrainte absolue permet d’inspirer des valeurs de justice, d’intégrité et d’amour du prochain, sans freiner les décisions nécessaires pour le bien commun. Il est aussi fondamental de favoriser la tolérance et le dialogue interreligieux afin de garantir une coexistence pacifique des croyances.
Gouverner et adorer ne sont pas incompatibles, mais demandent un équilibre subtil. Un leader croyant doit savoir faire la part des choses entre sa spiritualité et sa responsabilité envers le peuple. Lorsqu’elle est bien maîtrisée, la foi peut être un moteur puissant de gouvernance juste et inspirante. Mais lorsqu’elle est mal utilisée, elle peut devenir un outil de division et d’oppression.
Par Agossou S.B. ATTINZOVE, l’Africain Engagé !