Un drone abattu, des ambassadeurs rappelés, des frontières aériennes fermées… La tension ne cesse de monter entre Bamako et Alger. La récente destruction d’un drone malien par l’armée algérienne a mis le feu aux poudres dans une région déjà ébranlée par l’insécurité et les rivalités diplomatiques. L’Alliance des États du Sahel (AES), qui regroupe le Mali, le Burkina Faso et le Niger, est entrée dans l’arène pour défendre l’un des siens, marquant une nouvelle fracture entre le Maghreb et le Sahel.

Tout commence dans la nuit du 31 mars au 1er avril 2025. Un drone malien TZ-98D, engagé dans une mission de surveillance, est abattu non loin de la frontière algéro-malienne. Pour Alger, il s’agissait de la « troisième incursion offensive » de ce type depuis août 2024. L’armée algérienne justifie sa riposte au nom de la défense de sa souveraineté. Mais Bamako dément et crie à l’« agression flagrante », affirmant que le drone a été touché sur son propre territoire, à 9,5 kilomètres au sud de la frontière.

La réponse malienne ne se fait pas attendre : convocation de l’ambassadeur d’Algérie, retrait du Comité d’État-major opérationnel conjoint (Cemoc), et fermeture immédiate de son espace aérien aux vols algériens. Alger réplique en rappelant ses ambassadeurs au Mali et au Niger, en différant la prise de fonction de son représentant au Burkina Faso, et en fermant son ciel aux aéronefs maliens.

Derrière ce bras de fer, une querelle plus large se dessine. Les dirigeants de l’AES montent au créneau, accusant Alger d’entraver une opération antiterroriste et de soutenir des groupes armés. Dans un communiqué conjoint, les chefs d’État de la Confédération dénoncent une « agression contre l’ensemble des membres » et pointent la « duplicité » de l’Algérie dans la crise sahélienne.

 

Alger, de son côté, rejette ces « accusations fallacieuses » et accuse les régimes militaires de chercher un bouc émissaire à leur gestion sécuritaire. Le gouvernement algérien évoque une « clique putschiste » et affirme que les preuves radar sont irréfutables.

 

Cette crise marque un tournant diplomatique. En janvier, le Mali se retirait déjà de l’accord d’Alger de 2015, torpillant le rôle de médiateur de l’Algérie dans le processus de paix avec les Touaregs. Trois mois plus tard, la rupture est consommée. Le conflit prend désormais une dimension régionale, la première du genre depuis la création de l’AES en septembre 2023.

Alors que le Sahel lutte toujours contre les groupes armés, cette escalade complique davantage une situation explosive. Une querelle de drones devenue symbole d’un fossé grandissant entre voisins. Et le ciel, lui, demeure fermé.