L’élection du Djiboutien Mahamoud Ali Youssouf à la tête de la Commission de l’Union africaine (UA) marque un tournant pour l’institution panafricaine. Mais derrière cette victoire, une question brûle les lèvres des observateurs : incarnera-t-il un renouveau ou s’inscrira-t-il dans la lignée des dirigeants consensuels, soigneusement choisis pour ne pas déranger les équilibres en place ?

Une Élection au Goût de Compromis ?

Après sept tours de vote, Mahamoud Ali Youssouf s’est imposé avec 33 voix sur 49 face au Kényan Raila Odinga et au Malgache Richard James Randriamandrato. Pourtant, ce scrutin a été marqué par une dynamique singulière : les six États putschistes (Mali, Niger, Burkina Faso, Gabon, etc.) ont été exclus du processus, faussant quelque peu la représentativité du résultat final.

Pourquoi ce choix ? Certains analystes y voient un calcul des chefs d’État africains, qui redoutaient un dirigeant trop indépendant, à l’image d’Odinga, capable de secouer l’ordre établi. « Il ne va pas secouer le cocotier », affirme Paul-Simon Handy, expert en géopolitique africaine. Une déclaration qui en dit long sur les attentes – ou plutôt les limites – que les dirigeants africains lui imposeront.

Un Profil Discret, mais un Enjeu Immense

Ministre des Affaires étrangères de Djibouti pendant vingt ans, Mahamoud Ali Youssouf est un diplomate aguerri. Francophone, anglophone et arabophone, il connaît bien l’UA et ses rouages. Un atout indéniable, mais suffisant pour affronter les crises qui rongent l’Afrique ?

Les défis sont colossaux :

L’Est de la RDC où le M23, soutenu par le Rwanda, vient de s’emparer de Bukavu.

Le Soudan, en proie à une guerre civile qui menace toute la région.

Les tensions au Sahel, exacerbées par l’exclusion des États en transition militaire.

La dépendance aux puissances étrangères, notamment après l’annonce par Donald Trump d’un gel de l’aide américaine.

Sera-t-il un acteur décisif ou un simple gestionnaire de crises sans réel pouvoir ?

L’Afrique Mérite-t-elle un Leader Plus Audacieux ?

Le choix d’un diplomate discret plutôt qu’un homme d’action comme Odinga reflète la peur du changement qui paralyse souvent l’Union africaine. Pourquoi les chefs d’État refusent-ils une personnalité forte à la tête de l’UA ?

Le continent africain, jeune et dynamique, a besoin d’une voix forte et engagée. Pourtant, on lui impose souvent des figures trop prudentes, incapables de bousculer les intérêts bien établis. L’élection de Youssouf sera-t-elle un simple rouage dans la machine bureaucratique ou le début d’une transformation véritable ?

L’histoire nous le dira. Mais l’Afrique, elle, n’attend plus.

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