L’Afrique, berceau des civilisations, terre d’humanité, de sagesse ancienne et de cultures plurimillénaires, est aussi une terre profondément enracinée dans la spiritualité. Qu’il s’agisse des traditions ancestrales, de l’islam ou du christianisme, la foi a toujours façonné les repères, les rythmes et les raisons de vivre du peuple africain.

Mais aujourd’hui, face aux défis contemporains – pauvreté, corruption, conflits armés, dérèglements climatiques, instabilité politique – une question essentielle s’impose :

La foi, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, est-elle un moteur de développement ou un frein à l’émancipation de l’Afrique ?

Une spiritualité enracinée, mais souvent instrumentalisée
Autrefois, les croyances africaines étaient des socles d’organisation sociale, de cohésion communautaire, de respect du vivant. Elles portaient une vision du monde centrée sur l’harmonie, la transmission et la responsabilité collective.

L’arrivée des religions importées – islam et christianisme – a souvent marginalisé ces traditions, créant parfois une rupture entre l’Africain et son identité profonde.

Aujourd’hui, bien que la foi reste un refuge et un pilier d’espérance pour des millions d’Africains, elle est trop souvent dévoyée. De nombreux leaders religieux exploitent la crédulité populaire, troquant bénédictions contre obéissance, miracles contre argent, espoir contre passivité. Cette dérive transforme la foi en outil de domination mentale, au lieu d’en faire une force de libération.

Quand la foi devient un voile sur la responsabilité
Dans plusieurs sociétés africaines, les maux sociaux sont systématiquement attribués à des causes spirituelles : pauvreté, maladies, chômage ou même crises politiques seraient les conséquences de malédictions, d’esprits mauvais ou d’attaques mystiques.

Cette lecture exclusivement spirituelle des réalités détourne des vraies solutions : l’éducation, l’accès à la santé, la gouvernance transparente, l’engagement citoyen. On attend un “miracle”, au lieu de construire un futur.

La défaillance des systèmes publics pousse aussi de nombreux Africains à se réfugier dans les églises et mosquées, où ils espèrent trouver ce que l’État ne leur garantit plus : sécurité, emploi, soin, écoute. Mais cette foi refuge ne doit pas devenir un anesthésiant collectif.

Vers une foi qui libère, construit et responsabilise
Si l’Afrique veut se relever, elle doit réinventer sa manière de croire. Voici quatre axes pour bâtir une foi au service du continent :

Revaloriser les spiritualités africaines
Ces traditions contiennent des trésors de sagesse, d’éthique, de respect de la nature et de cohésion sociale. Les intégrer intelligemment dans nos pratiques contemporaines pourrait renforcer l’identité et le tissu communautaire.

Promouvoir une foi éclairée et active
Les leaders religieux doivent redevenir des éducateurs de conscience, pas des marchands d’illusions. Ils ont un rôle crucial à jouer dans la promotion de la paix, du travail, de la rigueur, de la solidarité et du respect mutuel.

Séparer clairement la foi de la politique
Trop souvent, la religion est utilisée pour manipuler les foules à des fins électoralistes. Il est urgent que les peuples comprennent cette instrumentalisation et réclament une gouvernance laïque, équitable et juste.

Faire de la foi un levier de développement
Au lieu de bâtir des temples luxueux pendant que les écoles tombent en ruine, les institutions religieuses doivent investir dans l’humain : éducation, entrepreneuriat, justice sociale, santé mentale, droits des femmes, etc.

Pour une vision panafricaine de la foi
Repenser la foi en Afrique ne signifie pas abandonner les croyances ; cela signifie les reconnecter à nos réalités et à nos aspirations.
Cela veut dire croire sans se soumettre, prier sans fuir la responsabilité, espérer tout en agissant. Une foi africaine, enracinée et tournée vers l’avenir, doit réveiller la fierté, la dignité, la créativité et la solidarité.

L’Afrique ne peut progresser si sa spiritualité continue d’être un voile sur les yeux et un poids sur les épaules. Il est temps de passer d’une foi de soumission à une foi d’action, d’une croyance subie à une conviction choisie.

Repenser la foi, c’est libérer les esprits pour libérer les peuples.
C’est affirmer haut et fort : Je crois, donc j’agis !
Pour une Afrique debout, consciente, forte et maîtresse de son destin.

Par Agossou S.B. ATTINZOVE, l’Africain Engagé !