La richesse du paysage sonore africain célébrée au MEG

La richesse du paysage sonore africain célébrée au MEG
Cette nouvelle exposition du Musée d’ethnographie de Genève explore comment le son et la musique sont des fondements de la culture africaine.
La nouvelle exposition du Musée d’ethnographie de Genève dédiée à la célébration du son sur le continent Africain valait bien un néologisme: «Afrosonica». Soit l’alliage du terme «afro», dans sa compréhension géopolitico-culturelle, avec le mot «sonique», tout ce qui est relatif au son. Un travail porté par les commissaires de l’exposition, Madeleine Leclair et Ntshepe Tsekere Bopape, alias Mo Laudi, artiste pluridisciplinaire originaire d’Afrique du Sud. Et la bonne nouvelle est que toute cette recherche se déguste aussi bien avec les yeux qu’avec les oreilles.
Élaborée dans le nouveau cycle de travail du MEG, dirigé par Carine Ayelé Durand, «comment habiter la terre à l’ère de l’anthropocène», l’exposition suit un fil rouge simple mais complexe: le pouvoir vital et relationnel du son. Trente-trois artistes ont été impliqués et sept œuvres ont été commandées spécialement pour garnir l’ensemble.
Dialogue hors du temps
Depuis une place centrale conviviale constituée de canapés dirigés vers une bibliothèque garnie de livres et de vinyles, quatre sections s’offrent aux visiteurs: musique de l’intime, connexions espace-temps, l’appel des ancêtres, vibrer dans un paysage sonore. Le parcours de l’exposition n’étant pas chronologique, sentez-vous libres de vous balader où bon vous semble.
Nous, on commence par «la musique de l’intime». Soit des installations constituées de lithophones et d’idiophones, dont une créée par Tarek Atoui. Entendez par là des instruments composés d’éléments biologiques comme des bouts de bois et des coques de fruits, mais aussi des objets glanés dans les zones urbaines, comme des bidons d’huile. Un travail sur notre écosystème qui traverse les siècles depuis la préhistoire
L’occasion de découvrir le travail de Midori Takada, une compositrice japonaise. Son œuvre «Mémoires d’arbres» est à voir et à entendre dans un petit salon aménagé à cet effet. Sa création fait dialoguer un magnifique xylophone sénoufo et un synthétiseur moderne. Séquences après séquences, ces instruments que des millénaires séparent bavardent très joliment.
«La violence par le silence»
Comme à son habitude, le MEG propose également une belle collection d’objets anciens tels que des rhombes, ces instruments à vent originaires d’Afrique subsaharienne. Le son produit par la manipulation de ces aérophones, un long vrombissement à la trace ésotérique, évoque pour certaines cultures, comme les Dogons au Mali, la voix des ancêtres. On les utilise alors comme un moyen de discuter avec l’au-delà. Une convocation également possible par le biais de masques en bois ou d’instruments anthropomorphes, c’est-à-dire à forme humaine. Ces derniers, polis et élégamment exécutés, sont magnifiques.
L’agencement des sections est très bien réalisé, on vogue entre des pièces très anciennes et des médiums actuels. Ici, un véritable Jukebox Wurltizer en parfait état de marche, empli de vinyles sélectionnés par cinq artistes genevois. Là, des courtes vidéos d’archives de danses. Sans oublier une imposante collection de disques censurés sous l’apartheid. «La violence par le silence est une forme de répression», partage Mo Laudi.
Voilà donc une belle invitation à être le plus bruyant possible. Également par l’écriture. En démontre l’exposition de plusieurs recueils de poésie écrits durant la Négritude, le mouvement culturel et intellectuel qui s’est développé dans la première moitié du XXe siècle, en réaction au colonialisme et à la domination européenne.
Notre coup de cœur, la reproduction de peintures pariétales découvertes sur des sites archéologiques en Algérie et au Tchad. Sur ces dessins, pour certains vieux de 10’000 ans, des chasseurs-cueilleurs et des animaux, mais surtout des croquis d’individus en train de danser. De quoi se dire que la vie est une danse, ou en tout cas une musique, pas forcément belle, depuis l’aube de l’humanité