À la veille de son tout premier conclave, Jean-Paul Vesco, archevêque d’Alger et cardinal depuis quelques mois, a partagé ses impressions avec RFI. Alors que 133 cardinaux électeurs s’apprêtent à désigner le successeur du pape François à partir de ce 7 mai à Rome, l’homme d’Église évoque avec humilité et lucidité les enjeux de ce moment historique.

 

Une sérénité inattendue avant un tournant spirituel

 

Évoquant son état d’esprit à l’approche du conclave, le cardinal Vesco confie une étonnante sérénité. Il retrace les étapes marquantes depuis sa nomination : la surprise de l’annonce, la solennité de la création cardinalice, puis l’émotion suscitée par la mort du pape François. Entrer dans le conclave constitue pour lui une expérience spirituelle intense, marquée par le poids du rite et la conscience que l’un des cardinaux présents deviendra bientôt pape. « Cet homme ne s’appartiendra plus », dit-il, soulignant la transformation radicale que cette mission implique.

 

Un vote guidé par l’incarnation d’une parole

 

À l’intérieur des congrégations générales, les cardinaux ne prononcent pas de noms, mais évoquent des profils, des qualités, des rêves pour l’Église. Jean-Paul Vesco explique qu’il ne pourrait voter que pour un homme dont il a senti la cohérence entre les mots et la personne, quelqu’un qui « incarne une parole ». Son critère personnel : imaginer ce cardinal à une veillée des Journées mondiales de la jeunesse (JMJ) et observer ce que son attitude révélerait de sa capacité à fédérer.

 

Se couper du monde pour mieux discerner

 

Le conclave implique un isolement total : pas de téléphones, pas d’appareils électroniques. « Tout est pensé pour créer un espace de prière », décrit-il. Ce retour à un rituel ancestral, né au XIIIe siècle, lui semble paradoxalement plus pertinent que jamais dans un monde saturé par les réseaux et la connectivité.

 

L’héritage du pape François et l’espérance d’un rééquilibrage

 

L’un des grands apports du pape François, selon Jean-Paul Vesco, est d’avoir poussé l’Église vers ses périphéries, et cela se reflète déjà dans la diversité du collège cardinalice, issu de 70 pays. Mais ce dynamisme, notamment celui du continent africain, reste insuffisamment représenté à ses yeux. « L’Afrique est encore largement sous-représentée », affirme-t-il, appelant à un meilleur équilibre avec l’Asie.

 

Il souligne la vitalité du christianisme africain, citant l’exemple de son diocèse en Algérie où les religieux burkinabè sont les plus nombreux. Il évoque avec admiration les messes matinales au Burkina Faso, rassemblant des centaines de fidèles à l’aube. Ce souffle spirituel, estime-t-il, doit être reconnu davantage : « Sociologiquement, l’Église catholique est aujourd’hui beaucoup plus africaine et asiatique qu’occidentale. »

 

Vers un pape africain ou asiatique ?

 

Jean-Paul Vesco ne sait pas si le temps est venu pour un pape issu de l’Afrique ou de l’Asie, mais il l’espère. Il voit dans cette possibilité non pas une rupture, mais une fidélité à une Église profondément universelle, enracinée désormais dans des réalités humaines et spirituelles plus larges que celles du seul monde occidental.