Les récentes déclarations de Donald Trump, proposant d’accorder le statut de réfugié aux Afrikaners d’Afrique du Sud, ont provoqué des remous au sein de cette minorité blanche. Tandis que certains se sentent marginalisés dans la société post-apartheid, d’autres dénoncent un discours victimisant et hors de propos.

Par un matin ensoleillé à Pretoria, le Boeremark – marché fermier prisé des Afrikaners – déborde de vie. Les stands croulent sous les koeksisters sucrés, le biltong épicé, et les livres en afrikaans. Une scène paisible, bien éloignée des discours alarmistes diffusés aux États-Unis, où Donald Trump annonçait en février vouloir accueillir les Afrikaners comme réfugiés.

Mais derrière cette quiétude rurale, les ressentis divergent. Pour certains visiteurs, l’Afrique du Sud post-apartheid est perçue comme hostile. “En tant que boer, je me sens visée par la criminalité et le racisme inversé”, confie Céséré Smith, 54 ans, vendeuse de bijoux. Elle salue l’initiative de Trump : “On nous pousse à avoir honte de ce que nous sommes. Ce n’est pas juste.”

Un héritage encombrant

Les Afrikaners – descendants des colons néerlandais – constituent la majorité des 7,3 % de Blancs sud-africains. Historiquement, ils furent les architectes de l’apartheid, régime aboli en 1994. Aujourd’hui, bien que les inégalités persistent, ils restent statistiquement avantagés. Le chômage touchait fin 2024 seulement 6,7 % des Blancs, contre 35,8 % des Noirs.

 

“La peur d’une persécution généralisée est une douleur fantôme”, estime Max du Preez, journaliste afrikaner. Selon lui, la culture afrikaner se porte même bien, avec des chaînes télé, des journaux et des festivals florissants.

 

Pourtant, une frange radicale s’est emparée d’un récit alarmiste, amplifié par des personnalités comme Elon Musk, évoquant un prétendu “génocide des Blancs” — malgré l’absence de preuves et des statistiques montrant que la criminalité touche principalement les jeunes hommes noirs des zones urbaines.

 

Une fracture idéologique croissante

 

Face à cette rhétorique, une autre voix s’élève : celle des Betereinders, un mouvement d’Afrikaners engagés pour une société inclusive. À Johannesburg, dans une église modeste, cinq hommes – Noirs et Blancs – discutent autour de tranches de biltong.

 

“Ce discours de persécution blanche est une insulte à l’histoire”, affirme Trevor Ntlhola, pasteur de 57 ans. Alexander Venter, 70 ans, renchérit : “Le conditionnement racial de l’apartheid n’a pas disparu, il s’est juste dissimulé.”

 

Pour Schalk van Heerden, cofondateur du groupe, Trump a fourni un “mégaphone aux extrémistes blancs”. Son compagnon de route, Johan Erasmus, défend au contraire l’intégration : “Je veux que mes enfants grandissent dans une Afrique du Sud sûre et unie.”

Malgré les tensions, l’idéal d’une nation arc-en-ciel, prôné par Mandela, n’a pas disparu. “Depuis trente ans, on parie contre nous”, conclut Erasmus. “Mais nous sommes toujours là.”