“La cravate douloureuse que tu portes et qui t’orne, ô civilisé, ôte-la si tu veux bien respirer…” Ces vers d’Apollinaire, tirés de son poème La Cravate et la montre, dans les Calligrammes (1918), écrits sous le voile de l’ironie et de l’émotion, semblent résonner avec une rare acuité dans les gestes singuliers du président de la République du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, et de son Premier ministre, Ousmane Sonko, dont les silhouettes dégagent une allure nouvelle, une sorte de renaissance stylistique.

Depuis qu’ils sont au pouvoir, presque à chacune de leurs sorties, ils sont en costume africain. Ils portent leurs choix vestimentaires sur les tendances de la mode et de la culture au Sénégal et au-delà. Souvent, ils rayonnent dans un ensemble à deux pièces, avec un pantalon assorti à une chemise incorporée au caftan ; parfois, ils sont dans un ensemble à trois pièces, comprenant un pantalon, un caftan et une chemise détachable.

Le “duo présidentiel” choisit un habillement qui, tout en restant profondément ancré dans la tradition, se projette vers le futur. Comme un écho moderne à la vision du poète, les nouvelles autorités semblent se débarrasser de plus en plus de cette “cravate douloureuse”, cette parure que l’on associe trop souvent à une forme de rigueur, de froideur et de conformisme.

Une métaphore de la souveraineté

“Cette mode qu’ils arborent, ce sont des pièces incontournables de la garde-robe sénégalaise et africaine. Ces pièces s’inspirent du boubou traditionnel, mais certains stylistes, pour habiller d’autres personnes, l’actualisent par sa coupe, ses finitions et ses matières. Chaque artiste apporte sa touche pour se démarquer”, affirme le styliste Amadou Diop, du label DA Fashion.

Ces vêtements, comme une métaphore de leur engagement, respirent la modernité, mais sans jamais rompre avec l’histoire. Les nouvelles autorités, dans ce choix vestimentaire, affichent une forme d’élégance subtile, où la fluidité du vêtement, son col Mao, sa coupe soignée, ses boutons inspirés de la djellaba maghrébine et ses lignes épurées semblent devenir une métaphore de la politique qu’ils incarnent : la souveraineté.