Des pistes pour parvenir à la souveraineté en Afrique

Des pistes pour parvenir à la souveraineté en Afrique
Alors que de nombreux Etats d’Afrique francophone célèbrent 65 ans d’indépendance, focus sur les leviers dont ils disposent pour atteindre leur souveraineté.
La souveraineté, le terme est de plus en plus présent dans le narratif tant des dirigeants que des populations sur le continent. Nombreux sont ceux qui estiment qu’il est temps que les dirigeants africains ne soient plus contraints de céder à des ingérences étrangères dans la gestion de leurs pays et des injonctions de puissances étrangères.Mais quels sont les leviers dont disposent ces États pour accéder à une réelle souveraineté dans le contexte politique et socio-économique actuel?
Un contexte difficile
65 ans après les indépendances, parler aujourd’hui de la souveraineté des pays africains après la colonisation reste compliqué dans la mesure où le concept même est complexe. Si la souveraineté englobe la capacité des Etats à exercer un contrôle effectif sur leur territoire, leurs ressources et leurs décisions politiques, sans ingérence extérieure, elle est souvent remise en question par des facteurs tant internes qu’externes.
Avec la persistance des influences coloniales, les conflits internes, la mauvaise gouvernance mais aussi les ingérences étrangères, difficile de se dire réellement souverain. Mais certains veulent y croire.
Au Sahel, par exemple, en prenant le pouvoir par la force au Mali, au Niger et au Burkina Faso, les militaires ont initié un tournant souverainiste qui a, depuis, un impact sur la politique intérieure et les relations extérieures des États qu’ils dirigent désormais. Ils se sont éloignés de partenaires de longue date comme la France pour se rapprocher davantage de pays comme la Chine ou la Russie.
“Dans les pays de l’AES, le principal référent reste la souveraineté. Ils ne peuvent pas réclamer leur souveraineté vis-à-vis des pays occidentaux pour ensuite avoir des liens de subordination avec la Russie et la Chine” explique l’homme politique et universitaire Doudou Sidibé.
Il rappelle que “les liens avec la Chine et la Russie sont essentiellement économiques et parfois militaires” mais met toutefois en garde contre “les prêts chinois et russes en échange de l’exploitation de mines ou de terres arables” qui “pourrait à terme constituer une entrave à leur souveraineté”.
Sceptique quant à la capacité de la plupart des pays à faible revenu à être réellement souverains, Doudou Sidibé estime toutefois que des leviers existent pour, à terme, inverser la tendance.
Les leviers fondamentaux de la souveraineté
“Les leviers dont disposennt aujourd’hui les États africains sont d’abord la mise en place d’un système politique capable de produire des dirigeants patriotes soucieux des intérêts de leur pays” assure Doudou Sidibé.
Il poursuit en précisant que “ces derniers doivent être capables d’agir sur des leviers fondamentaux de la souveraineté que sont la monnaie, la sécurité et la diplomatie”.
Les pays africains doivent être selon lui “capables d’assurer leur propre sécurité face au djihadisme, par exemple sans l’aide de puissances étrangères, battre leur propre monnaie et avoir la liberté de diversifier leurs partenaires diplomatiques, selon leurs intérêts”.
Pour l’universitaire Alfred Tumba Shango Lokoho, pour accéder à une réelle souveraineté, les États africains doivent miser sur des institutions fortes.
“On a cru qu’avec les conférences nationales souveraines à partir de 1990, on était entrés justement dans cette ère des institutions fortes. On s’aperçoit qu’il y a des reculs” déplore-t-il.
“Aujourd’hui, dans la plupart des pays africains, ce sont des hommes forts qui s’accrochent au pouvoir au point de revenir sur les Constitutions, de les retourner dans tous les sens pour se maintenir au pouvoir. L’une des grandes faiblesses de l’Afrique réside justement dans ce fait” assure l’universitaire qui insiste sur le fait qu’il “faut des institutions fortes”.
Alfred Tumba Shango Lokoho rappelle que “les hommes passent mais les institutions restent” et donc mettre en place comme il faut ces dernières “pourrait être une réponse à la question de la vraie souveraineté”.